dimanche 19 août 2012

Et si le cancer permettait de guérir le cancer ?

Et si les dommages de l’ADN à l’origine des cancers, nous permettaient de soigner les cancers ? C’est ce à quoi ont réfléchi des équipes de l’institut de recherche contre le cancer Dana-Farber, à Harvard. Certes, l’idée peut paraître saugrenue, mais elle est très prometteuse.  L’article scientifique a été publié dans la revue Nature, jeudi dernier.

Dans notre ADN, nous avons des gènes dits « suppresseurs de tumeurs ». Dans de nombreux cancers, ces gènes sont bloqués ou carrément supprimés. Dans ce dernier cas, d’autres gènes se trouvant autour de ces « suppresseurs de tumeurs » peuvent également être dégradés : on parle de dommages collatéraux. Alors que la plupart des traitements anti-cancéreux actuels se focalisent sur ces gènes supprimés ou modifiés,  le professeur Muller s’est concentré sur « les dommages collatéraux pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. » Pour cela, il a travaillé sur des cellules de glioblastome (type de tumeur du cerveau le plus létal) et s’est rendu compte que dans la plupart de ces cellules, le gène ENO1 était supprimé.

Le gène ENO1 se situe dans une zone où sont présents plusieurs gènes « suppresseurs de tumeur ».  Les gènes ENO permettent de produire une protéine (enolase) qui convertit le sucre en énergie, fonction essentielle pour les cellules cancéreuses. Il existe 2 autres gènes ENO (ENO2 et ENO3). Dans le cerveau, ENO1 (présent sur le 1er chromosome) est fortement exprimé tandis que le gène ENO2 (présent sur le chromosome 7) l’est plus faiblement.

La fonction de ces gènes étant essentielle pour la cellule cancéreuse, cette dernière peut supporter la perte d’un des 2 gènes mais pas des 2 en même temps. Etant donné que dans les cellules cancéreuses du glioblastome, le gène ENO1 n’est plus présent, on aura une très faible quantité de protéine enolase, produite uniquement par le gène ENO2 (cf figure 1).

Les chercheurs ont utilisé une drogue bloquant la protéine enolase (la PHAH). Ainsi les cellules cancéreuses (contenant peu d’enolase) ont été détruites tandis que les cellules saines, contenant une quantité plus importante d’enolase (produite par ENO1 et ENO2), n’ont pas été affectées par la drogue (cf figure 1).

La drogue PHAH ne peut pas être utilisée chez l’Homme car elle ne peut pas pénétrer correctement à l’intérieur de la tumeur pour tuer les cellules cancéreuses. D’autres drogues ayant le même effet sont en cours de développement.

« Ces délétions collatérales se retrouvent dans d’autres types de tumeurs et concernent des centaines de gènes différents. On peut donc penser que ce modèle de recherche peut être appliqué pour développer d’autres traitements personnalisés » concluent les auteurs.

Pour en savoir plus :

-          Article scientifique sur nature : http://www.nature.com.gate2.inist.fr/nature/journal/v488/n7411/full/488284a.html

-          Article dans sciencedaily : http://www.sciencedaily.com/releases/2012/08/120815131135.htm