dimanche 7 octobre 2012

Histoire de l'ADN (2ème partie) : le gène est la clé de l'hérédité !

La dernière fois, nous nous sommes arrêtés sur la découverte de la « nucléine ». Il est temps maintenant de continuer notre chemin sur le long parcours de l’histoire de l’ADN.
En 1909, un biologiste danois, du nom de Wilhelm Johannsen, effectue, 45 ans après Mendel, des recherches sur les caractères héréditaires des haricots. Il publie ses résultats dans le journal« The american naturalist ». Dans cet article, il arrive à la conclusion que la transmission des caractéristiques physiques, de génération en génération, est due à des petits éléments présents dans la cellule. Il décide alors de créer un nouveau mot pour les baptiser et les appelle« gène ».
Pourquoi avoir crée ce nouveau mot ? « Le langage n’est pas seulement notre serviteur, quand nous voulons exprimer nos pensées, mais il peut aussi être notre maître, nous écrasant par les notions attachés aux mots déjà existants. Les vieux mots sont souvent compromis par leur utilisation dans des théories dépassées ou erronées »explique-t-il dans son article. Il émet des hypothèses plutôt intéressantes de l’analyse de ses résultats, notamment le fait qu’un caractère pourrait être contrôlé par plusieurs gènes. Cependant, pour Johannsen, les gènes ne sont pas portés par les chromosomes, qui ont été découverts en 1882 (chromosome vient du grec et signifie corps coloré), et« aucun résultat ne permet d’émettre une hypothèse sur la nature des gènes ». Il conclut enfin son article « trop long pour son contenu réel, mais trop court pour l’importance du grand problème qu’est l’hérédité » par le fait que « l’hérédité peut être définie par la présence de gènes identiques entre les ancêtres et les descendants ».
Wilhelm Johannsen présentant ses résultats sur les haricots. Copyright California Institute of Technology

La nature de ces gènes a été découverte 35 ans plus tard. En 1944, Oswald Theodore Avery et ses collègues ont effectué une expérience qui a permis, pour la première fois, d’effectuer le lien entre ADN et gène. Au cours de cette expérience, ils ont utilisé deux types différents de bactéries pneumococcus :la souche R qui est inoffensive et la souche S qui provoque des pneumonies. Une expérience précédente avait montré que, lorsque l’on fait chauffer les bactéries S à 60°C, ces dernières deviennent inoffensives. Cependant quand on mélange ces bactéries inactives avec des bactéries R, ces dernières deviennent alors capables d’induire des pneumonies.
Avery s’est alors demandé ce qui pouvait changer la nature des bactéries. Il a récupéré une solution contenant les protéines, l’ADN et l’ARN des bactéries S, puis a mélangé cette solution avec des bactéries R. Ces dernières ont alors provoqué des pneumonies. Il a ensuite détruit les protéines, testé la nouvelle solution ARN-ADN, puis il a détruit les ARN et testé la solution d’ADN pur. Après analyse des résultats, il en conclut que l’ADN des bactéries S a donné la capacité de provoquer des pneumonies aux bactéries R (schéma).
Ce fut la première expérience qui montra le rôle essentiel de l’ADN dans la transmission héréditaire entre individus.
Suite et fin de l’aventure de l’ADN dans le prochain article !
Pour en savoir plus :
- Article original de W. Johannsen : http://www.jstor.org/stable/2455747?seq=2
- Animation sur l’expérience d’Avery : http://www.dnaftb.org/17/animation.html

dimanche 9 septembre 2012

Histoire de l’ADN : La première pierre !


Ces dernières semaines, le monde scientifique qui gravite autour de la génétique a été grandement secoué.

Tout d’abord, mi-août, des chercheurs d’Harvard ont réussi à copier un livre, de génétique, en ADN. Ce livre contenait 53 426 mots, 11 illustrations et 1 programme JAVA. Au lieu d’utiliser le système binaire informatique (1 0), les chercheurs ont utilisé pour coder ce livre le système quaternaire A, T, C et G de l’ADN. Ils ont alors synthétisé, de manière complètement artificielle, des morceaux d’ADN contenant des petits passages du livre. Ces morceaux, tous rassemblés, pesent environ 1 picogramme, soit 1 trillion de fois moins qu’un gramme !!! Ce système de stockage est donc devenu le plus sûr (pas de perte d’information avec le temps) et le plus compact de tous les systèmes déjà existants (disque dur, CD…).

Ensuite, les résultats obtenus par un projet, nommé ENCODE, ont été publiés.

ENCODE kézako ?  

Il s’agit d’un projet de grande envergure, commencé il y a 5 ans, et regroupant 440 chercheurs dans 32 laboratoires du monde entier. Ce consortium de scientifiques a réussi à annoter 80% du génome humain. L’annotation consiste à déterminer le rôle des différentes séquences du génome. Pour cela, ils ont effectué plus de 1500 expériences différentes sur plusieurs types de cellules. Un travail énorme !
Le livre entier est contenu dans ce petit tube...
Alors que le génome n’a presque plus de secret pour le scientifique, c’est le moment de faire un petit retour en arrière sur la découverte de l’ADN. Je vous propose donc une petite série d’articles sur l’histoire de l’ADN.

Friedrich Miescher, l’homme qui posa la première pierre

En 1869, Friedrich Miescher, brillant scientifique suisse, découvre ce qu’il appelle « la nucléine » (l’ADN d’aujourd’hui). Il l’isole, pour la première fois, à partir de leucocytes (globules blancs) puis retrouve cette molécule dans d’autres cellules telles que des cellules du rein, du foie, de levure, ou encore d’œuf de poule. « Un nouveau facteur a été découvert. Ce dernier semble être essentiel à la vie du plus basique au plus évolué des organismes » conclut-il dans une lettre adressée à ses proches.

Miescher se tourne ensuite vers l’analyse du sperme de saumon. Il remarque alors la présence d’une quantité importante de « nucléine » dans ces cellules. Dans une lettre adressée à son collègue Rudolf Boehm, il expose l’hypothèse qu’il a tiré de son observation : « Au bout du compte, j’ai l’intuition que « la nucléine » n’est pas uniquement utile pour la physiologie du sperme mais qu’elle joue un rôle beaucoup plus important »
1er tube contenant de l'ADN du sperme de saumon extrait par Miescher. © Alfons Renz, University of Tübingen, Germany.

Malheureusement, avec les connaissances scientifiques de l’époque, Miescher n’a pas réussi à concevoir que « la nucléine » puisse à elle seule expliquer la différence physique entre les individus et entre les différentes espèces animales. Il arrive donc à la conclusion, erronée, que le mouvement particulier du spermatozoïde ou « l’activation de l’ovocyte par une impulsion nerveuse, lui conférant des propriétés physiques et chimiques différentes » étaient responsables de l’hérédité.

En 1874, il publie un article dans lequel il accumule des preuves contre le fait que « la nucléine » est responsable de l’hérédité. Ceci entraîne la chute de nombreux autres scientifiques qui s’étaient concentrés sur cette molécule et avaient trouvés des résultats plutôt intéressants. La communauté scientifique entière perd alors la foi en l’ADN.

Comment les scientifiques sont revenus sur l’ADN ? Qui a utilisé pour la première fois le mot « gène » ? Comment ont-ils réussis à lier l’ADN et l’hérédité ? Suite au prochain épisode…

dimanche 19 août 2012

Et si le cancer permettait de guérir le cancer ?

Et si les dommages de l’ADN à l’origine des cancers, nous permettaient de soigner les cancers ? C’est ce à quoi ont réfléchi des équipes de l’institut de recherche contre le cancer Dana-Farber, à Harvard. Certes, l’idée peut paraître saugrenue, mais elle est très prometteuse.  L’article scientifique a été publié dans la revue Nature, jeudi dernier.

Dans notre ADN, nous avons des gènes dits « suppresseurs de tumeurs ». Dans de nombreux cancers, ces gènes sont bloqués ou carrément supprimés. Dans ce dernier cas, d’autres gènes se trouvant autour de ces « suppresseurs de tumeurs » peuvent également être dégradés : on parle de dommages collatéraux. Alors que la plupart des traitements anti-cancéreux actuels se focalisent sur ces gènes supprimés ou modifiés,  le professeur Muller s’est concentré sur « les dommages collatéraux pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. » Pour cela, il a travaillé sur des cellules de glioblastome (type de tumeur du cerveau le plus létal) et s’est rendu compte que dans la plupart de ces cellules, le gène ENO1 était supprimé.

Le gène ENO1 se situe dans une zone où sont présents plusieurs gènes « suppresseurs de tumeur ».  Les gènes ENO permettent de produire une protéine (enolase) qui convertit le sucre en énergie, fonction essentielle pour les cellules cancéreuses. Il existe 2 autres gènes ENO (ENO2 et ENO3). Dans le cerveau, ENO1 (présent sur le 1er chromosome) est fortement exprimé tandis que le gène ENO2 (présent sur le chromosome 7) l’est plus faiblement.

La fonction de ces gènes étant essentielle pour la cellule cancéreuse, cette dernière peut supporter la perte d’un des 2 gènes mais pas des 2 en même temps. Etant donné que dans les cellules cancéreuses du glioblastome, le gène ENO1 n’est plus présent, on aura une très faible quantité de protéine enolase, produite uniquement par le gène ENO2 (cf figure 1).

Les chercheurs ont utilisé une drogue bloquant la protéine enolase (la PHAH). Ainsi les cellules cancéreuses (contenant peu d’enolase) ont été détruites tandis que les cellules saines, contenant une quantité plus importante d’enolase (produite par ENO1 et ENO2), n’ont pas été affectées par la drogue (cf figure 1).

La drogue PHAH ne peut pas être utilisée chez l’Homme car elle ne peut pas pénétrer correctement à l’intérieur de la tumeur pour tuer les cellules cancéreuses. D’autres drogues ayant le même effet sont en cours de développement.

« Ces délétions collatérales se retrouvent dans d’autres types de tumeurs et concernent des centaines de gènes différents. On peut donc penser que ce modèle de recherche peut être appliqué pour développer d’autres traitements personnalisés » concluent les auteurs.

Pour en savoir plus :

-          Article scientifique sur nature : http://www.nature.com.gate2.inist.fr/nature/journal/v488/n7411/full/488284a.html

-          Article dans sciencedaily : http://www.sciencedaily.com/releases/2012/08/120815131135.htm

vendredi 27 juillet 2012

Comment la science prédit les résultats des Jeux Olympiques de 2012


Durant les quinze prochains jours, on entendra souvent ce genre de conversation autour d’un café :
- « Tu penses que c’est Usain Bolt qui va gagner le 100m ? »
- « Non je pense qu’il sera battu cette année…Je vois bien Blake gagner »

Après avoir lu cet article vous pourrez ajouter votre grain de sel à ce débat fort passionnant : « Moi je vous parie que le vainqueur du 100m aura couru en 9,63sec ! » Comment pourriez-vous le savoir ? 

Un chercheur de l’université de Tarragone en Espagne, Filippo Radicchi, a publié un article, dans le magasine scientifique PlosOne début juillet, dans lequel il prédit les performances des futurs champions olympiques dans plus de 50 disciplines. Pour cela, il a étudié la progression des résultats obtenus par les médaillés d’or au cours des 26 premiers Jeux Olympiques d’été. Il s’est alors rendu compte que cette progression suit une loi de probabilité dite loi normale et tend vers une valeur indépassable.

A partir de cette observation, il a pu prédire les résultats que les athlètes obtiendront probablement au cours des JO 2012 mais également au cours des prochains JO : par exemple, le vainqueur du 400m homme aux JO de Londres devrait courir en 43,62 sec environ (à + ou – 0,41 sec) et  le vainqueur du 400m homme aux JO de 2024 devrait courir en 43 sec environ (soit 0,18 sec en dessous du record du monde).

     Tableau tiré de l’article de Plos One, décrivant quelques résultats possibles pour les JO 2012. A vos paris !

Bon évidemment on n’est pas près de voir un coureur gagner le 100 m en 8,28sec. Il faudra déjà attendre 2020 pour avoir 50% de chances de voir un athlète passer en dessous de la barre des 9,50 sec aux 100m. Pour le marathon, il faudra attendre 2030 pour voir un coureur finir les 42,195km en moins de 2h (le record du monde actuel est de 2h03min et 38sec).

Dans son article, Radicchi a également calculé la probabilité que le record du monde de la discipline soit battu au cours des JO 2012, pour plusieurs épreuves. Selon lui, on a de grandes chances de voir de nouveaux records mondiaux dans les épreuves de 1500m nage libre masculin et 800m nage libre féminin (71 et 76% respectivement). Concernant l'athlétisme, la course du 110m haie homme à une chance sur deux de finir par un nouveau record tandis que pour le 100m masculin, cette probabilité descend à 35%. Enfin il ne prédit aucun nouveau record pour le 400m féminin et le 100m nage libre féminin.

Bien sûr tout ceci reste des statistiques et il faut prendre en compte tous les événements extérieurs qui peuvent influencer le résultat comme la météo par exemple, les blessures…A vous de jouer à Paul le poulpe avec vos amis maintenant (ou de faire chauffer voter porte-monnaie auprès des bookmakers londoniens…) et de regarder les JO bien calé dans votre fauteuil !

Pour en savoir plus :

   - Article Plos One : 



mardi 12 juin 2012

Darwin - le débat continue (2ème partie)


Ah la théorie de l’évolution ! Elle en a fait couler de l’encre au fil des ans. Dans mon article précédent, je me suis arrêté au débat d’Oxford de 1860 qui opposait le créationniste Wilberforce au darwiniste T.Huxley.  Je vais vous parler aujourd’hui d’une lettre écrite par plusieurs chercheurs en 1973 et publiée dans le magasine scientifique Science, puis dans un second temps j’évoquerai la manière dont l’image et la théorie de Darwin sont utilisées de nos jours.

Un des articles les plus révélateurs de l’intensité du débat sur la théorie de Darwin, a été publié en 1973 dans la revue scientifique Science. Dans cet article, de nombreux chercheurs expliquent leurs positions et leurs points de vue. E.C Lucas, chercheur à Oxford, explique qu’ « aucune théorie sur l’origine des espèces (créationnisme ou évolutionnisme) n’est scientifiquement prouvable » mais que « la théorie créationniste qui accepte l’apparence graduelle de la vie » ainsi que « la création de plusieurs espèces en même temps (et non pas une évolution à partir d’un ancêtre commun) (…) est aussi acceptable que le néo-darwinisme. »

Gianna Oscuro, de l’université de San Diego en Californie, renchérit de manière assez provocatrice en préconisant que « les deux théories doivent être enseignées de manière égale et imprimées dans toutes les nouvelles bibles, dans des colonnes parallèles. »  John H. Moore, quant à lui, est plus critique envers les créationnistes, et considère que « la théorie sur l’origine de l’Homme, qui était auparavant adaptée à des pasteurs nomades, ne peut plus être adaptée pour le 20ème siècle. La théorie scientifique n’est certes pas parfaite mais sera encore utilisée dans plusieurs centaines d’années.»

Enfin D.E Martz, du département de physique à Angwin, en Californie, profite du fait qu’il est non biologiste pour calmer le jeu. « La théorie des créationnistes n’est peut être pas scientifique (…) mais je ne peux pas penser que la plupart des modèles présentés par mes confrères biologistes soient moins spéculatifs. Une des bases fondamentale de la science est de permettre à des points de vues opposés d’être entendus (…) les créationnistes ont fait l’erreur d’essayer d’imposer leur théorie dans les années 1920 ; les évolutionnistes ne doivent pas faire cette erreur dans les années 1970 »

Et le débat continue encore de nos jours : il suffit d’effectuer quelques recherches sur internet pour se rendre compte que créationnistes et évolutionnistes se font toujours une guerre de tranchée (cf liens en fin d’article).

L’image de Charles Darwin s’est quand à elle grandement démocratisée et la théorie de l’évolution a été reprise à de nombreuses sauces en passant des Simpson (vidéo 1) à une publicité pour Saturn mettant en scène l’évolution de la technologie selon Darwin (lien). Et on n’oublie pas les fameux Darwin Awards récompensant la mort la plus stupide de l’année, permettant ainsi « d’améliorer le patrimoine génétique humain ». Bonne dégustation.
La théorie de l'évolution selon les Simpson, avec un magnifique exemple de contre-évolution avec Moe

Pour en savoir plus :

-          Article « Creationism and Evolutionism » - Science : http://www.sciencemag.org/content/179/4077/953.1.full.pdf?sid=ae55bb37-6fb6-4920-9a37-dbe60c317540

-          Darwin Awards : http://www.darwinawards.com/

samedi 19 mai 2012

Liens science et société à l'université de Lyon

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler dans cet article d’une expérience personnelle.

L’université de Lyon (regroupant les 18 établissements d’enseignement supérieur et de recherche de Lyon-St Etienne) a mis en place depuis plusieurs années des modules de formation à destination des jeunes doctorants. Ces cours permettent de s’ouvrir  au monde du travail, d’acquérir de nouvelles compétences ou de préparer notre avenir professionnel.
Le service Science et Société de l’Université de Lyon et le service des Etudes doctorales de l’Udl ont orienté certains modules autour de la création d’un lien entre le monde scientifique et la société. Souvent, au cours de discussion avec des personnes croisées dans la rue ou en regardant les informations, je me rends compte que le monde de la recherche est souvent mal connu, parfois idéalisé et que de nombreuses fausses informations sont véhiculées (exemple récent sur mon dernier article : image 1). Je me suis donc, depuis quelques temps déjà, intéressé à ce lien entre scientifiques et non scientifiques ; c’est pourquoi j’ai suivi deux modules de formation « Science et société » depuis le début de ma thèse et créé ce blog il y a maintenant 8-9 mois, avec pour objectif de comprendre les mécanismes pour rendre le monde de la recherche accessible à tous.

Une sur Fox News...ou comment l'exagération médiatique peut nuire à la science.

Assez parlé de moi. Dans cet article, je vais vous parler de la dernière formation à laquelle j’ai participé, formation menée avec brio par Mélodie Faury, Davy Lorans et Pauline Lachappelle, tous trois membres du service Science et Société. Comme indiqué sur son site internet (lien à la fin de l’article), le service Science et Société est un lieu « d’expérimentation et de modélisation de nouvelles formes de médiation culturelle des sciences et de dialogue avec les différents acteurs de la société ».

En quoi a consisté cette formation ?

Un des objectifs principaux de cette formation a été la présentation des différents acteurs de la société et notamment autour d’un débat sur l’homéopathie proposé par Jean-Philippe Neuville, maître de conférences en sociologie à l’INSA de Lyon. Ce débat a été organisé comme un jeu de rôle, où chacun devait se mettre dans la peau d’un acteur de la polémique. Ceci nous a permis de pouvoir cerner et pourquoi pas comprendre les différents points de vue des personnes impliquées (patients, médecins, labo pharmaceutique…) et m’a personnellement inspiré pour l’article sur l’homéopathie. Nous avons également rencontré Pablo Jensen, fondateur des cafés sciences sur Lyon, qui est revenu sur son expérience avec un peu de nostalgie. Les cafés sciences, pour ceux qui ne connaissent pas, sont des débats scientifiques menés au sein d’un café et accessibles à tous. C’est une manière très intéressante de pouvoir aborder des polémiques ou poser des questions à des spécialistes du sujet. D’ailleurs des cafés sciences sont parfois organisés par le service Science et Société, notamment au cours du projet « Et si on en parlait ? » mené par Pauline Lachapelle. A l’automne 2011, des « cafés sciences et images » avaient été organisés autour du thème « Cerveau, sexe, gènes…sommes-nous vraiment programmés ? » (exemple d'atelier en vidéo). Cette année, le thème du projet est « Alimentation : quels défis nous attendent ? ». Vous trouverez le programme en suivant le lien en fin d’article.


Enfin, nous avons abordé un autre projet au cours de cette formation : la « Boutique des sciences ».
Qu’est ce que la « Boutique des sciences » ?
La première fois que j’ai entendu ce terme, j’ai imaginé un magasin vendant des kits de petits chimistes ou des microscopes pour enfants. Bien sûr j’avais tort !
En fait il s’agit d’un projet, mené par Davy Lorans, permettant de créer un lien entre des chercheurs et des associations confrontées à une problématique scientifique. L’exemple que nous avons étudié au cours de la formation et le suivant : une MJC a créé des jardins partagés dans un quartier proche d’une autoroute. Les membres de l’association aimeraient savoir si ils peuvent consommer les fruits et légumes qu’ils récolteront, si la terre n’est pas trop polluée, mais ils aimeraient également connaître l’impact de ses jardins sur le lien social dans le quartier. Le but de la boutique des sciences est de reformuler ces questions afin de monter un projet avec des chercheurs. Bien sûr il faut que cette question intéresse le laboratoire dans son projet de recherche car les associations ne payent rien et les fonds de recherche étant de plus en plus limité, il est parfois dur de trouver des chercheurs volontaires. Cependant, je pense qu’il est important de créer des liens de cette sorte entre la société civile et les chercheurs. En effet, cela permettra de désacraliser le chercheur qui est  également un citoyen et un civil, mais également cela permettra aux gens d’avoir des réponses scientifiques concrètes sur leurs problèmes.

Pour conclure, ces modules de science et société, adressés à de futurs chercheurs, sont, à mon sens, essentiels. De nos jours, je pense que la séparation scientifique/non scientifique doit être réduite de plus en plus ; les enjeux de la recherche étant de plus en plus importants.

Pour en savoir plus :

-          Site du Service Science et société de l'Université de Lyon : http://www.universite-lyon.fr/science-societe/science-societe-128971.kjsp

-          Blog du projet « Et si on en parlait ? » : http://etsionenparlait.hypotheses.org/

-          Article sur la boutique des sciences : http://www.universite-lyon.fr/science-societe/shopping-particulier--163600.kjsp


mardi 8 mai 2012

Flatulences de dino et réchauffement climatique

Avant de revenir sur Darwin, je vous propose un petit article d’actualité scientifique insolite. Je suis tombé dessus par hasard sur Twitter (sur lequel vous pouvez me suivre d’ailleurs @DessouScience). Il s’agit d’un article sorti dans le journal scientifique Current Biology dont le titre est assez évocateur : « Est-ce que le méthane produit par les sauropodes [dinosaures herbivores quadrupèdes] a entraîné le réchauffement du climat à la période du Mésozoïque ? »

Les sauropodes, comme de nombreux herbivores d’aujourd’hui, devaient héberger une faune microbienne produisant du méthane après fermentation des plantes ingérées. Une équipe de Liverpool s’est intéressée à cette production de gaz à effet de serre. Ils ont estimé qu’un seul animal produisait 2675 litres de méthane par ses flatulences (juste pour comparer, un Homme produit environ 1 Litre de gaz par jour…) et qu’il devait y avoir une densité d’environ 10 adultes par km². En faisant un simple calcul, ils sont arrivés à une production de 520 millions de tonnes de méthane par an !!! Ceci correspond à peu de choses près à la production totale de notre monde industrielle moderne.
La production de méthane par les sauropodes étaient aussi importante que celle de notre monde industriel.
Source : Current Biology

Selon les auteurs : « Le méthane devait sûrement être important dans le réchauffement climatique du Mésozoïque mais également dans la composition en gaz de l’atmosphère. D’ailleurs l’extinction des dinosaures est arrivé en même temps qu’une réduction de la quantité de méthane dans l’atmosphère. »

Bien sûr, contrairement à ce que vous pouvez lire sur le site Fox News par exemple, leurs flatulences n’ont pas entraîné leur extinction…

Pour l’anecdote, en 2008, l’EPA (agence de protection de l’environnement) proposait d’instaurer une taxe sur le pet de vache d’environ 175$ par tête de bétail. Imaginez-vous si les dinosaures étaient encore vivants ? On aurait trouvé un bon moyen d’enrayer la crise en taxant leurs flatulences…

Pour en savoir plus :

-          Article « grand n’importe quoi » sur Fox News : http://www.foxnews.com/scitech/2012/05/07/dinosaurs-farted-their-way-to-extinction-british-scientists-say/
-          Article sur la taxe EPA : http://westinstenv.org/news/2008/11/20/epa-proposes-cow-fart-tax/

samedi 28 avril 2012

Darwin : histoire d'une révolution scientifique

Comme je vous l’avais promis à la fin de l’article précédent, je vous ai préparé une série d’articles sur Darwin. Enormément d’articles sur le web parlent de ce naturaliste du 19ème siècle. C’est pourquoi j’ai essayé de trouver une nouvelle approche pour parler de lui. Dans ce premier article, je vous parlerai d’articles, publiés dans le magasine Science à la fin du 19ème siècle et début du 20ème, évoquant les recherches de Darwin et montrant les différentes positions prises par le monde scientifique sur la théorie de l’origine des espèces. 
Qui est Darwin ?
Charles Robert Darwin est né en Angleterre en 1809. Il fit des études de médecine au cours desquelles il commença à s’intéresser à l’histoire naturelle et à la zoologie. En 1831 il monta à bord du HMS Beagle, navire de la Royal Navy, sur lequel il resta 5 ans. Au cours de son voyage il commença à élaborer sa théorie sur l’origine des espèces qu’il ne publiera qu’en 1859 (photo).
Couverture originale de l'origine des espèces de Darwin - source Wikipédia

Pourquoi si tard ? Tout simplement parce qu’il craignait d’être considéré comme hérétique par l’Eglise. Cette « peur » est très bien illustrée dans le film Création qui est sorti en novembre 2010 et dont une des phrases clés, dite par un de ses collègues, est : « Dieu ne peut plus affirmer avoir tout crée en 7 jours. Vous avez tué Dieu. »

Pourquoi l’a-t-il publié alors ? C’est un manuscrit qu’un jeune naturaliste Alfred Russel Wallace lui envoya qui le fit changer d’avis. Ce dernier exposait une théorie très proche de celle de Darwin. Comme il n’avait pas encore rendu publique son étude sur l’origine des espèces, Darwin proposa de monter un projet commun afin de publier leurs résultats.

Comment était perçu Darwin par ses contemporains ?

A la publication de son livre sur l’origine des espèces, deux clans se formèrent : les darwinistes et les créationnistes qui étaient contre Darwin et qui prônaient la création divine.

A la tête des sympathisants de la théorie de Darwin se trouvait Thomas Henry Huxley. Son nom vous dit peut-être quelque chose ?  Il s’agit en fait du grand père d’Aldous Huxley célèbre écrivain et auteur notamment du livre « Le meilleur des mondes ».  Dans un article publié dans Science en 1880, il fit un éloge à Darwin :

« On doit se préparer à féliciter le vénérable auteur de ce livre [l’origine des espèces], non seulement pour l’importance de son travail et son influence sur la progression des connaissances scientifiques mais également parce qu’il a vécu assez longtemps pour lutter contre ses détracteurs et pour voir que la pierre, qu’il a posé et qui fut d’abord rejeté, est devenue la pierre angulaire de la science moderne. »

Toujours dans Science en 1880, Alpheus Hyatt a quant à lui émis une critique vis-à-vis de la théorie de Darwin : « Une impression erronée existe : celle que les doctrines darwiniennes sont plus ou moins suivies par tous les naturalistes qui acceptent l’évolution, mais ceci est loin d’être vrai. L’hypothèse de Darwin est tellement facile à appliquer et permet simplement de résoudre des grandes questions, qu’elle est souvent utilisée sans contrôle élémentaire et sans analyse stricte des faits scientifiques. Elle est donc souvent mal appliquée. Une grande quantité de recherches erronées ont été publiées en argumentant qu’elles allaient dans le sens de la loi de Darwin… »
Un des débats les plus connus, opposant les darwinistes, représentés par T.Huxley, et les créationnistes, représentés par l’évêque d’Oxford S. Wilberforce, a eu lieu à Oxford en 1860.
Le débat d'Oxford vu par les webcomics sur Darwin (cf lien plus bas)

Au 20ème siècle, les altercations ont continué même si les théories darwiniennes sont acceptées par une grande majorité de la communauté scientifique et civile. Dans mon prochain article, j’aborderai cet aspect ainsi que « l’utilisation » de Darwin de nos jours.

Pour en savoir plus :

-          Texte intégral de l’origine des espèces : http://abu.cnam.fr/cgi-bin/go?espece1,1,20

-          Webcomics Darwin : http://darwin.webcomics.fr/page/couverture


-          Film « Création » : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=126616.html

dimanche 15 avril 2012

La lecture du babouin

L’Homme est le seul animal à savoir lire. En êtes-vous vraiment sûr ?  Vendredi dernier, un groupe de chercheurs de Marseille a publié un article dans le journal scientifique Science, article dans lequel ils montrent que des babouins (Papio papio) seraient capables de lire, ou au moins de distinguer des mots existants par rapport à des mots inventés. Non non, vous ne vivez pas un remake de « la planète des singes », rassurez-vous…

Peut-être qu'un jour on fera la lecture à des bébés singes...

L’équipe du Dr Joël Fagot a entrainé 6 babouins a reconnaître des mots anglais de 4 lettres au milieu de faux mots de 4 lettres également (1 voyelle et 3 consonnes), créés aléatoirement. Les singes étaient placés dans un grand enclos, tous ensemble et avaient un libre accés à 10 salles contenant un ordinateur tactile sur lequel apparaissaient les mots anglais. Si le mot était juste (expl : LAND), les singes devaient appuyer sur un ovale, tandis que si le mot était faux (expl : LONS) ils devaient appuyer sur une croix. En cas de bonne réponse, ils recevaient une récompense sous forme de nourriture. (video)


Joël Fagot explique, sur BBC Nature, que « de part le fait qu’ils aient décidé eux-mêmes de participer, ils (les singes) portent une plus grande attention aux tâches qu’ils accomplissent ». Ainsi les babouins ont pu reconnaître de 81 mots pour le dénommé Vio, jusqu’à 300 mots pour le « Bernard Pivot des babouins », un certain Dan avec plus de 75% de réussite. De plus, plus l’orthographe du faux mot était éloignée du vrai mot, plus les singes étaient capables de dire que ce n’était pas un mot correct (pour Dan par exemple, on passe de 60 à 95% de réussite). Le plus impressionnant, selon les chercheurs est le fait que «les singes sont capables d'apprendre les combinaisons de lettres qui apparaissent fréquemment dans les mots anglais et de détecter les anomalies autrement dit les lettres qui ne sont pas à la bonne place».

Bien sûr les singes ne comprennent pas le sens des mots qu’ils « lisent », mais le fait qu’ils arrivent à associer la forme et la position des lettres à l’existence ou non d’un mot permet de penser que l’Homme en fait de même dans les premiers stades d’apprentissage de la lecture. Ainsi, selon les chercheurs, la dyslexie pourrait être expliqué par un problème « visuel » plus que par un problème neurologique.

Cette étude montre une fois de plus que l’Homme et le singe sont très proches l’un de l’autre. Cela me permet d’embrayer sur la théorie de l’évolution et un dénommé Darwin que je vous présenterai dans mon prochain article.

Pour en savoir plus :
-          L’article sur Science : http://www.sciencemag.org.gate2.inist.fr/content/336/6078/245.full.pdf
-          L’article sur BBC Nature : http://www.bbc.co.uk/nature/17676129
-          Un petit reportage sur ABC : http://abcnews.go.com/blogs/headlines/2012/04/scientists-baboons-recognize-words/

dimanche 11 mars 2012

Homéopathie

Dur dur de parler de l’homéopathie sans rentrer dans le perpétuel débat du pour ou du contre. Dans cet article, je vais essayer de rester assez neutre mais si vous avez des commentaires, remarques ou si vous voulez nous faire part de votre avis sur la question, n’hésitez pas à commenter.

Histoire de l’homéopathie.
Cette médecine alternative fut élaborée par Samuel Hahnemann à la fin du 18ème siècle. L’homéopathie, comme son nom l’indique, est basée sur un principe de « soin par la similitude » (du grec « homéo » : similaire et « pathie » maladie), à la différence de la médecine allopathique, classique, qui est elle basée sur un principe de « soin par le contraire ». Le « soin par la similitude » consiste à soigner une maladie par un produit produisant exactement les mêmes symptômes. Partant de ce principe, Hahnemann testa plusieurs centaines de substances et nota dans son recueil, « Organon de l’art de guérir », tous les symptômes qu’il ressentait après absorption de ces produits. Il décida ensuite de tester ces substances sur ses patients et remarqua qu’elles avaient souvent des effets néfastes sur eux. Afin de palier à ce problème, il dilua la substance « mère » plusieurs fois, tout en secouant après chaque dilution (on parle de « dynamisation »), ce qui, selon lui, permettrait de conserver les qualités thérapeutiques de ces substances même si il n’y a plus une seule molécule de principe actif dans la solution.
Samuel Hahnemann - source Wikipédia
Quelles sont les substances utilisées en homéopathie ?
Toutes les substances, utilisées dans les médicaments homéopathiques, ont gardées leurs noms latins. Il y en a plusieurs centaines différentes allant de la plus inoffensive (« natrum muriaticum » ou sel de mer) à d’autres nettement plus toxiques (« belladona » ou belladone qui est une plante dont les baies attaquent le système nerveux central). On trouve également toute une quantité de substances inhabituelles comme « apis mellifica » qui est obtenue par macération dans l’alcool d’abeilles ouvrières vivantes entières ou « bacillinum » qui n’est autre que du macérat de poumon de tuberculeux.
La belladone, utilisée en homéopathie est également un poison très puissant.
Quel est le principe de la dilution ?
Il existe deux types de dilution :
-          La dilution CH utilisée par Hahnemann lui-même consiste à prendre 1 volume de la solution mère et à le diluer dans 99 volumes de solvant. On obtient alors une solution à 1CH. On continue en prenant un volume de la solution à 1CH que l’on dilue dans 99 volumes de solvant…etc…
-          La dilution Korsakovienne (ou K) consiste quant à elle à vider le flacon entièrement entre chaque dilution. Semen Korsakov, l’inventeur de cette méthode de dilution, considérait qu’environ 1% de la solution restait sur la paroi après avoir verser le liquide hors du récipient. L’Oscillococcinum®, médicament que tout le monde connaît, est administré à une dose de 200K soit 200 dilutions korsakoviennes. Autant dire qu’il n’y a plus une seule molécule de produit actif dans ce médicament.
L'oscillococcinum est composé de coeur et foie de canard macéré, le tout dilué 200 fois selon la dilution korsakovienne.
Si les médicaments homéopathiques ne contiennent pas de molécules de principe actif, pourquoi cela fonctionne-t-il chez certains patients ?  
C’est à cet endroit que se situe la plus grande question de la controverse homéopathique. Cependant les médecins qu’ils soient allopathes ou homéopathes sont d’accord sur le fait qu’ils ne peuvent pour l’instant pas l’expliquer. Les homéopathes sont considérés par beaucoup comme des maîtres dans l’art de l’effet placebo. Le fait que la consultation d’un homéopathe dure plus longtemps que celle d’un allopathe (40 min en moyenne contre environ 20min chez un allopathe) et que la médecine semble individualisée (ce qui est un autre principe de base de l’homéopathie) peut avoir un effet placebo « médecin » chez le patient. De plus le fait de prendre un médicament qui, selon le médecin homéopathe, est très ciblé sur la maladie et le fait que sa composition soit écrite en latin, cela peut avoir un effet placebo « médicament » sur le patient.
D’autres théories plus physiques, comme la mémoire de l’eau, sont émises par les homéopathes mais je les décrirai dans un prochain post.

Pour en savoir plus :
-          L’article de wikipédia sur l’homéopathie est sujet à controverse de neutralité. Si vous voulez prendre part au débat : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hom%C3%A9opathie
-          Vous trouverez des informations intéressantes sur les substances homéopathiques sur le site des pharmacies Giphar (exemple de page sur Apis Mellifica : http://www.pharmaciengiphar.com/Apis-mellifica.html)
-          Un documentaire assez intéressant sur l’homéopathie, diffusé sur France 5 : http://www.dailymotion.com/video/xkeqwp_homeopathie-mystere-et-boules-de-sucre_webcam